chapitre 6 - On arrête tout et on recommence

C'est l'été 2006, le soleil brille, la France joue la coupe du monde... c'est donc l'heure des bilans. Tous ces 1e examens m'ont un peu eprouvée, je commence à développer un syndrome de calimero ("c'est trop injuste pourquoi ça nous arrive à nous") et en même temps le bilan médical est clair: tout va plutôt bien.

Les mini sportifs de Sofiane ne sont certes pas prêts de participer aux jeux olympiques mais le docteur nous affirme que la fécondation peut se faire naturellement. Mes cycles sont certes un peu longs mais j'ai un utérus de winneuse. En principe ça doit pouvoir marcher tout seul. On décide donc qu'il est temps pour nous d'arrêter nos bêtises et de se détendre. Une opportunité se présente, un ami nous accueil à Montréal et ni une, ni deux on demande un VISA et on quitte Paris pour s'installer à Montréal pour 1 an. On passe donc l'année 2007 à boire du jus de canneberge, à décrypter les expressions imagées de l'autochtone. On goute à la poutine, on fait des bonhommes de neige. Et puis surtout on fait l'amour. Partout et souvent histoire de stimuler un peu la machine. Je ne peux pas cacher une pointe de déception quand, chaque mois, les anglais débarquent (oui expression désuète, je sais!) mais je tiens le coup et je m'amuse en vendant des jouets dans un magasin de la rue Mont Royal. Je m'aperçois rapidement que la proximité de tous ces enfants avides de lego ne me déplait pas. Je les regarde de loin, mon utérus frétille en sentant leurs odeurs, je me dis que ça doit être bon pour ma fertilité toute cette proximité!

Cela fait déjà 6 mois que nous sommes au Canada et la vie coule avec quiétude (bon et inquiétude aussi que rien ne vienne, mais je me contiens, j'essaie de ne pas trop harceler mon amoureux à ce sujet et je tente à chaque cycle, d'un œil de siou, de repérer la date de mon ovulation pour me jeter sur lui)
Et puis un matin je reçois un coup de fil. Une de mes meilleure amie est enceinte, par accident et se sent destabilisée. Le père est un amour de passage et ne se sent pas l'âme d'un chef de famille, elle va donc avorter. Le choc... Déjà parce que c'est mon amie et que c'est un moment difficile de sa vie.J'essaie, de loin, de la soutenir comme je peux. Et puis, plus égoïstement, parce que je me mets à imaginer que peut être elle va, dans un moment de folie, me filer son gamin... Oui je suis une amie atroce mais j'y ai pensé! Je me suis demandée si je ne devenais pas un peu zinzin mais ce n’était plus mon cerveau qui s'exprimait, c’était mon utérus devenu fou!

Un peu près dans la même semaine, comme en général rien n'arrive seul, Sofiane m'annonce un soir alors que j’étais tranquillement lové entre ces bras - à le harceler de mon sujet favoris :les enfants!, il m'annonce donc qu'il a bien réfléchi, que tout ça est compliqué, qu'il ne sait pas si il à l'a fibre paternelle, que c'est peut être mieux comme ça si on n'y arrive pas et qu'on devrait ne plus y penser...
Bon j’avoue c'était trop pour moi dans la même semaine, j'ai fait une légère crise de nerf dans la chambre, les colocataires sont venus, inquiets, vérifier si personne n'était mort, et puis on a fini par boire un verre salvateur, tous ensemble dans le jardin de la colocation histoire de décompresser un peu.

Mon bilan de cette année américaine est joli, notre couple s'est finalement sorti de cette soirée de crise et Sofiane s'est vite remis à me soutenir dans mon entreprise de repeupler le monde. Mon amie a avorté et a dans la foulée trouvé l'amour avec un jeune professeur tout prêt à fonder une famille. C'est donc heureux de notre expérience, enrichie de plein de souvenirs et prêt à en découdre avec tous les gynécologues de la terre qu'on a réaménage en janvier 2008 à Paris, dans un petit appartement du 20e arrondissement.