chapitre 12 - Insémination et infractus

Janvier 2009. J'ai commencé mes piqûres depuis 2 semaines. Un peu contraignant, je me bourre, telle une toxicomane, d'hormones afin de stimuler mon ovulation. Je suis un peu sur les nerfs mais j'ai l'impression de gérer. J'ai eu 30 ans, belle soirée à compter les nouvelles ridules avec les copains. Chaque soir, à heure fixe, une petite piqûre dans le vente. Pas douloureux et puis bien pensé parce que je peux me piquer moi même.
Jongler avec le travail est déjà plus difficile, les prises de sang sont le matin à 8h et les échographies pour vérifier l'évolution des follicules sont à l'autre bout de Paris à 10h.  Trois fois par semaine j'arrive au travail à 11h, la bouche en cœur en prétextant un rendez vous extérieur. Je suis heureuse que la fin du traitement approche parce que je ne vais pas pouvoir faire ça bien longtemps...
J'ai bien tenter de demander un arrêt maladie, une fois, mais notre spécialiste vénal a tellement rigolé, sans même daigner me répondre, que je n'ai plus jamais osé demander.
Le jour J, enfin. Nous sommes fin janvier. Je quitte le bureau à 12h, je traverse la capitale pour prendre au laboratoire une petite fiole enfermée dans une boite plastique. A l'intérieur les petits sportifs de Sofiane, tous beaux et tous triés pour ne sélectionner que les plus vigoureux. Je ne suis pas peu fière, dans le métro, avec mon paquet à la main. A république, en changeant de ligne, une dame me bouscule. Grosse angoisse. Mais rien à côté de la frayeur quand je vois au loin un homme courir en bousculant les passants. Je ne comprends pas. Tout le monde hurle autour de moi. Je sers contre mon cœur mon petit paquet de sportifs dopés. C'est un voleur. Une dame courre derrière l'hombre fuyante et crie "mon sac". Crise d'angoisse. Et si jamais je me fais dérober mon colis? J’esquisse un sourire en imaginant le visage du voleur qui ouvre le colis dérobé... Heureusement rien n'arrive et après 20 minutes de trajet je m'installe dans le cabinet de mon spécialiste qui m'insémine.
-"C'est déjà fini"? ça à durée 2 minutes...
-"Je ne reste pas couché un peu après?"
Pas de réponse
Il me tend un stylo
Ah oui c'est vrai le chèque de 180 euros pour acte médical... ça fait cher la minute! J'espère que le bébé sera un génie à ce prix là! Mais je suis heureuse, rien ne compte d'autre que le bébé à venir.

 3 jours déjà que je couve jalousement mon petit ventre. C'est sûr ça a fonctionné. Je me sens nauséeuse, je sens mes seins qui chatouillent, limite je crois avoir senti un coup de pied. Ah non ça c'est impossible, si il y a embryon, celui ci n'a que 3 jours calme toi Marie, calme toi...

Et puis tout va très vite, le weekend suivant nous organisons une petite fête d'anniversaire dans notre studio Parisien. Toute la famille est là, entassée, heureuse de se retrouver. On grignote, on papote. Les enfants de mon frère jouent à arracher des bouts de moquette. Je les regarde amoureusement en touchant mon ventre. Tout est parfait. Et puis 16h sonne. Ma mère s'écroule au sol. Crise cardiaque. Je ne me souviens même plus vraiment de la suite tellement j'étais sous le choc. J'ai appelé les pompiers en tremblant, nous l'avons accompagné à Tenon où un docteur pressé on nous a informé qu'elle devait avoir une intervention en urgence le lendemain. Un choc indescriptible. Après 1 semaine d'hospitalisation les médecins étaient confiants sur son état de santé. La pression pouvait redescendre un peu. Je venais de prendre conscience que mes parents vieillissaient et que j'allais les perdre un jour. Terrible constat. Je me souviens être rentrée à la maison le samedi, à la sortie d'hôpital de ma mère. J'avais un peu mal au ventre et je suis allée aux sanitaires. J'avais mes règles. Maman s'en était heureusement sortie, mais là j'étais pas enceinte. Échec de la 1e insémination.
J'ai du pleurer environ 2 jours (il fallait au moins ça pour me remettre du choc de l’infarctus et de la tristesse de l'insémination).

Je me souviens avoir pensé, le lundi matin en allant au travail, que la vie n'avait vraiment rien à voir avec ce que j'imaginais, quand, à 15 ans, à la terrasse des cafés, nous refaisions le monde avec mes copines. Nous pensions que tout était possible. Que rien ne pouvait nous empêcher de vivre ce que l'on désirait. Tu parles. Quelle escroquerie...

  Gribouilli de mon chéri : « J’ai le bout des seins sensibles...je suis enceinte c’est sûr!! »