Cette semaine, entre les
odeurs de steak et les poils de chats nous avons beaucoup parlé de notre projet d’adoption.
On s’interroge sur notre capacité à pouvoir éduquer et accompagner au mieux un enfant avec, peut être, de nombreux troubles du comportement. On a beaucoup lu sur les TDA (les troubles de l’attachement). Les enfants qui grandissent sans figure d’attachement et qui développent des comportements autodestructeurs. Ils manipulent l’adulte en qui ils n’ont pas confiance. Ils sont dans le contrôle permanent. Incapable de recevoir l’amour. De l’admettre. Des enfants abîmés par un passé trop lourd qui sont en crise permanente.
Bien sûr on peut se dire qu’il ne sert à rien de penser au
pire. On peut tomber sur un petit très heureux. Parfaitement sociabilisé.
Nous, nous préférons voir les choses en face. Nous préférons imaginer le pire des cas pour adopter en toute lucidité. Notre petit arrivera cabossé ou pas. Dans tous les cas la décision de devenir ses parents aura été prise en toute conscience. On ne le renverra pas dans un charter direction le service après-vente s’il est trop difficile. Quoi qu’il advienne ce sera pour la vie.
Nous, nous préférons voir les choses en face. Nous préférons imaginer le pire des cas pour adopter en toute lucidité. Notre petit arrivera cabossé ou pas. Dans tous les cas la décision de devenir ses parents aura été prise en toute conscience. On ne le renverra pas dans un charter direction le service après-vente s’il est trop difficile. Quoi qu’il advienne ce sera pour la vie.
Du coup ça mérite réflexion. Mieux vaut ne pas être bourré à
la tequila en signant les papiers d’adoption !
Dans un documentaire, sur radio canada, une petite fille adoptée de 10 ans sourit à la
caméra. A chaque réprimande elle explose dans un torrent de cris et de pleurs.
Elle expliquera, plus tard, qu’une envie de mourir la submerge dans ces moments
de crise.
Le pédopsychiatre moustachu raconte que ce sont des enfants
qui, entre 2 périodes d'accalmie, sont rongés par la haine qu’ils ont d’eux
même. Des enfants suicidaires.
Si on les a abandonnés c’est qu’ils ne sont pas « aimables ». C’est de cette terrible image d’eux mêmes qu’ils souffrent. Ce sont des enfants malheureux qu’il faudra, à force de
patience, de méthodes éducatives et d’amour, réparer. Progressivement. Sans
jamais rien lâcher. Croire en la capacité de ce petit bout à vous aimer un
jour. A s’aimer lui-même.
On est très loin de
Walt Disney !
Bien sûr l’intensité des troubles est différente d’un enfant
adopté à l’autre. D’une histoire à l’autre. On peut passer au travers. Mais
peut-être pas. Et de cette éventualité là il faut s’y préparer. L’admettre.
Un commentaire de Sarounette
disait, il y a quelques jours : «Quand
sait-on qu’on est prêt à passer à l’adoption ? »
A cette question, camarade rose bonbon, j’ai envie de
répondre : « Je n’en sais
fichtrement rien ! »
Sommes-nous prêt à affronter ça ? Voulons-nous une
famille au point de vivre des moments très durs. De voir notre enfant
malheureux. Déchiré par cet abandon qui le ronge. Pourrons nous l’aimer toute
la vie ? Malgré tout ?
Hier j'ai lu "Dis merci !" de B. Monestier. Un témoignage
d’une trentenaire d’aujourd’hui qui raconte son adoption à 4 ans au Chili par
un couple de parisien. Elle raconte ses angoisses, ses envies de mourir, son
impossibilité à se sentir aimée et sécurisée par ses parents. Ses crises de
violences régulières, ses mutilations. Elle a toujours provoqué par son
comportement violent le rejet des autres. Une mise à distance inconsciente mais
logique puisqu’elle n’est pas digne d’être aimée; la preuve sa maman
biologique l’a abandonnée… Pas simple… Un joli livre. Dur.
Je vous raconte pas le flippe !
On a tous envie d’un
enfant heureux. D’un enfant aimant. Quand on adopte on doit être préparé à ce
que les moments de bonheurs soit éparpillés entre des crises parfois violentes.
Retour sur radio
canada. Un enfant de 3 ans arrive
dans sa nouvelle famille. Le petit a les yeux bleus et le regard vide. Il
s’agrippe à la mère adoptive et ne la lâche jamais. Elle croit qu’il l’a
adopté. Elle semble heureuse. Mais l’éducateur la détrompe. Il ne s’agit pas d’amour
(c’est bien trop tôt) mais plutôt de survie. Il s’agrippe comme on s’agrippe à
une bouée de sauvetage. C’est ça ou mourir. Après une semaine force est de constater qu’il
fait des crises inimaginables. Il souffre. Il ne verbalise évidemment rien.
Donc c’est son corps qui parle. Il pleure de façon inconsolable. Ne sourit
jamais. Il mord. Il frappe. Il refuse de s’alimenter. Ça dure des mois. Les
parents sont dépassés. Malheureux. Ils ne s’attendaient pas à ça. Après des
années d’infertilité l’arrivée de cet enfant venu d’ailleurs était un miracle.
Le choc de la réalité est d’une violence inouïe.
En sortant de ce reportage on s’est tout de suite demandé si
on était prêt à vivre ça. Prêts à accompagner un enfant cabossé. Aurons-nous la
patience ? Serons-nous à la hauteur ?
D’un enfant biologique, qu’on aime et qu’on chérit depuis sa
conception, on ne sait jamais s'il sera un adulte heureux. On le façonne à
coup de câlins. Mais même là rien n’est
gagné. On fait des erreurs éducatives. L’enfant a son propre caractère, fait
ses choix. Il peut se transformer en un adolescent révolté ou
un adulte mal dans sa peau. On le sait. C’est le pari de l’éducation. On
fait de son mieux.
En adoptant, le pari est encore plus fou parce qu’on n’a pas
pu modeler l’enfant par notre amour dans ses premiers mois. On récupère un
petit plus ou moins blessé. Et le challenge éducatif n'en devient que plus grand…
De cette prise de
conscience là est née une réflexion égoïste mais nécessaire je pense : A-t-on
vraiment envie de vivre ça ? De vivre les crises et la souffrance de
voir son petit malheureux ? De vivre son rejet ? A-t-on vraiment envie ?
Envie d’un enfant oui. Mais de cet enfant-là ?
On a tourné cette question dans tous les sens. Le soir en
écoutant du Nina Simone et en sirotant des boissons glacées. En papotant à
travers la porte des toilettes. En écoutant Jennifer parler de son chouchou
devant The Voice. On a tout retourné et
la réponse est toujours la même :
Oui même de cet enfant là, cabossé par la vie, on en veut!
Après tout c'est peut être comme ça, en se posant ces questions là, qu'on sait si on est vraiment prêt à adopter.
Après tout c'est peut être comme ça, en se posant ces questions là, qu'on sait si on est vraiment prêt à adopter.