Chapitre 113: Carpe diem

J’ai toujours aimé cette locution latine. Une vieille recommandation du père Horace, en je sais pas combien avant Jésus christ, qui conseillait à sa douce de cueillir le jour présent sans se soucier du lendemain dans l’unique objectif de la mettre dans son lit. Malin le type!

N’empêche, j’ai beau l’aimer, pas moyen de l’appliquer à moi même. Je suis plutôt du genre angoissée par le lendemain. Je fais des listes. Je prévois les choses. J'anticipe. Je me fatigue moi même à tout organiser sans arrêt et je rêve en douce d'une vie plus bohème.

Je me souviens qu’il y a quelques année j’avais l’occasion de rester un peu au chômage et de chercher tranquillement du travail. De glandouiller. De buller les doigts de pieds en éventail. Pas moyen. Impossible de me laisser vivre sans objectif. Trop flippant. J’ai donc cherché comme une folle du travail et en à peine 3 semaines j’avais trouvé. Je suis une handicapée du carpe diem !

Mon problème du jour (oui il faut toujours un problème du jour pour s’occuper dans la vie ) c’est donc que je m’ennuie. Y a pas de carpe diem qui tienne, j’ai besoin de nouveaux objectifs !

C’est idiot de dire ça alors que tout va bien... Avec mon chéri on a un joli nid douillet. Notre couple est tout doux. Le travail est plutôt intéressant. On arrive à voir assez souvent la famille et les amis…

Oui mais je m’ennuie.

C’est l’effet septembre et sa rentrée peut être …

Ce matin dès le réveil je me suis dis que je devais trouver un truc pour rendre ma vie plus trépidante. Oui mais quoi? Un bébé turbulent aurait fait l'affaire mais pour ça il va falloir attendre.

Plus jeune on voyageait sans arrêt avec une amie. On préparait, presque chaque année, un beau séjour au bout du monde. On partait en sac à dos à la découverte d'autres civilisations.

Quand on ne prenait pas l'avion, on militait. On a eu une période très engagée où on refaisait le monde autour d'un tas de bouteilles de vin. On mangeait des merguez à la fête de l'huma en parlant politique. On avait 20 ans (oui j’adore passer pour une vieille peau en disant ça ! )

Après il y a eu l’investissement dans la vie professionnelle et dans la vie de couple...

Et très vite il y a eu le projet bébé. Des milliers d'examens, des visites chez le gynéco, des échographies, des piqûres... Pas le temps de s'ennuyer. Pendant des années tout a tourné autour de ce projet bébé. C’était mon objectif principal.

Aujourd’hui j'ai 33 ans et je vois les choses un peu différemment. L’adoption est en bonne voie. Une fois reçu notre agrément nous n’aurons plus qu’à attendre le fameux coup de fil. Celui qui nous annoncera qu’un petit nous est destiné.

Moyenne d’attente 5 ans.

Du coup forcement, devant toute cette attente, je trouve mon horizon un peu vide. Il me faut des nouveaux projets.

- Boire ? (Non jamais ils ne m’attribueront un loupiot si j’ai un casier judiciaire pour ivresse sur la voie publique !)

- Me mettre à la peinture sur œuf ? (J’ai toujours aimé les trucs moches qu'on peint sur les œufs à pâque ! Ça peut devenir une passion dans la vie vous croyez ?)

- Devenir exterminatrice de plante verte? (J’ai un don pour tuer toutes les plantes qui passent entre mes mains ! C’est peut être un truc rare que je peux exploiter ça, non?)

Qu’est ce qu’on va bien pouvoir faire pendant ces 5 prochaines années ?

Vous les filles, y a quoi dans votre liste d'objectifs à part le bébé?

Chapitre 112: Vive les vacances

 Alors que je suis tranquillement lovée dans les bras de Hugh Jakman j’entends une sonnerie. Comme nous sommes sur une île déserte quelque part dans le pacifique ce bruit m’étonne.

Hugh ne semble pas entendre et approche son visage sexy et rugueux de mes lèvres.

Je m’apprête à lui inspecter les amygdales quand je m’aperçois que cette satané sonnerie continue son raffut.

Et puis d’un coup tout va très vite. Je me retrouve assise, les yeux grands ouverts sur mon lit. Un halo de lumière baigne la chambre et les deux fauves affamés me mordillent les doigts de pieds.

Le réveil indique dans une lumière rouge 8h30. Catastrophe !  Déjà 1 heure de retard ! Panique à bord ! Adieu Hugh nos ébats érotiques seront pour une prochaine fois !

Je saute dans la salle de bain et je brosse mes dents à la façon d’une hystérique. J’asperge mes cheveux pour tenter de dompter la bête et j’enfile le premier tee shirt qui me tombe sous la main avant de courir vers le métro.

3 minutes plus tard, je suis confortablement installée sur un siège sale de la ligne 5. J’englouti un pain aux raisins mal décongelé tout en fermant les boucles de mes sandalettes. Et là j’entends cette petite voix nasillarde que je reconnais immédiatement.

- « Oh la la qu’est ce que t’as mauvaise mine ce matin Marie. T’es toute blanche. Et puis t’as vu ton tee shirt il est même pas repassé ? »

Pauline. La Pauline, collègue de bureau, que je ne peux pas encadrer. Celle qui n’est pas méchante mais qui est tout le temps à côté de la plaque. La Pauline qui raconte la vie de tout le monde sans même s’en rendre compte. Celle qui pose des questions et puis n’écoute pas les réponses. La Pauline qui habite près de chez moi ! La poisse !

Je lève mon visage vers elle et je la fixe d’un air hagard.

- « Bon - jour Pauline »

J’accentue à outrance les syllabes pour lui montrer mon humeur mais elle ne semble pas m’avoir entendu et enchaîne de sa tonalité criarde.

- « Oh la la non mais vraiment t’es toute blanche. T’es enceinte c’est ça ? »

Un vent glacial me passe dans le dos et j’ai immédiatement envie de lui faire avaler ma sandalette. Non mais elle est abrutie ou quoi ?

Je ne réponds rien et lui signifie d’un simple hochement de tête que non je ne suis pas enceinte. Je serre les dents. Le silence sera mon salut. Je mâchouille ma viennoiserie glacée en maudissant la terre entière.

Je me force à ne pas penser à l’importune et ça fonctionne parce que je fini par complètement oublier la présence de ma collègue.

Tout en fixant un type maigrichon assis en face de moi je repense à mon dernier entretien avec l’assistante sociale en charge du dossier d’adoption.

La vie est un peu folle parfois. On passe des mois à s’interroger sur le projet d’adoption. On hésites des semaines entières avant d’envoyer la demande d’agrément. On appréhende les rendez vous d’évaluation avec le psychologue et puis finalement tout passe à une vitesse inimaginable. Un an pile après la première réunion d’information à la maison des adoptions nous en avons fini avec les rendez vous et nous attendons le passage de notre dossier en commission. La réponse devrait tomber vers octobre et si tout se passe comme prévu nous devrions avoir l’agrément pour adopter avant la fin de l’année.

- « Non mais Marie quand même t’es sûr que t’es pas enceinte ? Parce que moi pour ma première grossesse j’étais tout le temps malade le matin…»

Retour à la réalité. Sortie brutalement de ma rêverie par le son incommodant de la voix de ma collègue je ne la regarde même pas. Elle entame un monologue sans fin sur sa première grossesse et ne semble pas s’apercevoir que je ne l’écoute plus. Les gens sont vraiment incroyables… Vivement les prochaines vacances !